Chapitres,  Textes

Chapitre 01

Elle rehaussa le drap sur sa poitrine et roula sur le côté, quêtant la fraîcheur depuis la fenêtre entrouverte. Un étrange sentiment de confusion envahit son être : la sensation d’une planche de bois et d’une couverture rêche, dont l’odeur évoquait davantage la moisissure que la fraîcheur d’un linge propre. Se redressant péniblement, ses yeux cherchèrent à fendre l’obscurité pour y retrouver les objets de son quotidien. Mais une nuit dense et opaque semblait avoir englouti la pièce entière. Un frisson glissa le long de son dos en entendant résonner, au loin, un chant évoquant une longue déchirure, plus qu’une douce mélopée, tandis qu’une main invisible coulait le long de ses cheveux d’ébène.

La jeune femme s’adossant au mur, ramena ses bras autour de ses jambes et secoua vivement la tête pour chasser cette impression de contact surréel, qui lui glaçait le sang. Mais la main poursuivit son exploration, étreignant sa gorge et ses bras. Alors elle bondit brusquement et s’éloigna de sa couchette pour fuir ce qu’elle n’identifiait pas, et sautilla sur place pour forcer son réveil. Son dos vint heurter des barreaux. Elle comprit que tout cela ne relevait pas du rêve mais de la réalité. Ses mains voguant d’un barreau à l’autre, elle prit conscience de sa situation de prisonnière et chercha une porte, une entrée, quoique ce soit qui lui permettrait de s’évader.

Longeant la grille, elle trouva, sans tarder, une sortie et la confiance la regagna. Si elle n’expliquait pas ce dont elle était la victime, son instinct lui suggérait fortement de se concentrer et de se focaliser sur un moyen de quitter les lieux. Les questions viendraient en second. Les bras tendus, ses mains fendant l’air au hasard, elle rencontra le coin d’une table qui lui fit perdre l’équilibre. Le bruit de sa chute résonna à travers la pièce, suivi d’un grognement inquiétant : le râle d’un chien, d’un très gros chien, quelque part autour d’elle. L’idée d’une bête tapie l’observant la déstabilisa plus encore. Sa respiration s’accéléra.

Pour éviter tout nouveau choc, elle rampa au sol mais ce ne fut pas le pied d’un autre meuble que sa jambe rencontra; Une puissante mâchoire se referma subitement sur sa cheville. Le supplice des crocs transperçant la chair lui donna la nausée. S’écriant tant sous l’effet de la surprise que de la douleur, elle martela frénétiquement, de son autre pied, le museau de l’animal, non disposé à renoncer à sa prise et qu’il traîna même sur plusieurs mètres. Les premières larmes roulèrent le long de ses joues. Prête à céder aux vertiges, elle serra fort les poings et hurla de tous ses poumons, assénant un dernier coup violent dans les yeux de l’animal, qui ouvrit grand la gueule, la libérant de son emprise.

Des rires narquois et stridents de femme, à demi étouffés, prirent la relève et des bras, toujours invisibles, l’empoignèrent pour la secouer avec fougue en tous sens, tel un pantin. Elle se résigna à regagner sa cellule pour se protéger d’une éventuelle seconde attaque. Sa chute l’ayant désorientée et ignorant, dès lors, dans quelle direction se tourner, elle se releva pour se précipiter vers l’avant, en boitant, s’attendant à percuter, à tout instant, un autre objet ou obstacle. Ses doigts effleurèrent un mur décrépit qu’elle longea pour retrouver les barreaux.

Le souffle saccadé et menaçant de l’animal, hargneux, se rapprochant, elle accéléra tant bien que mal, la douleur l’affligeant d’une impression de coup de couteau à chaque pas. Ses larmes redoublèrent et sa volonté s’effilocha au fur et à mesure que le sang s’écoulait généreusement de sa cheville.

Une des mystérieuses mains lui saisit l’épaule, la menant vers l’entrée de la cellule dont elle maintint, ensuite, la porte fermée, indiquant à la bête qu’elle échouerait dans toute tentative d’intrusion.

«Faîtes que tout cela disparaisse. Je vous en prie, je vous en prie!»

Crédit photo : inconnu

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